crédit : SIMI
1. Au Simi les sushis c’est fini !
En décembre, arrivent les décorations de Noël, les sapins (dont j’ai hésité à faire un article), et … le SIMI. Grand messe française de l’immobilier d’entreprises (mais pas que), c’est à la fois le grand thermomètre de la profession, le moment du bilan et perspectives de l’année, et aussi, potentiellement, un giga cluster à COVID19.
L’honnêteté me pousse à écrire que c’est le premier salon où l’on sent tout de même un petit (gros ?) souffle de panique. Les mois récents n’ont pas été simples avec l'inflation, la hausse des taux, les reprises avortées, l'augmentation des taux de vacance et le (net) ralentissement des levées de fonds. Conséquence : une baisse de -55 % en moyenne sur le continent des investissements. La polarisation des secteurs est extrême et la cession d'immeubles de bureaux en dehors du quartier central des affaires de Paris est devenue extrêmement difficile, avec des offres décotées atteignant près de -25/-30 %.
Les ventes “utilisateurs” connaissent par contre leur âge d’or en 2023, notamment avec des entreprises telles que LVMH et Kering qui investissent massivement dans des actifs prime à Paris. Au-delà de ces “trophy asset”, la tendance est là et les conseils observent de plus en plus de locataires, utilisateurs, qui passent le cap d’acheter leurs locaux plutôt qu’engager des réflexions de déménagement et/ou optimisation de bail.
Bref, on parle de “décompression” des valeurs du tertiaire, avec des baisses importantes même dans les marchés dynamiques. Et la correction des valeurs en cours risque d’aller loin. Au delà des actifs “distressed” (en gros, les actifs qui sentent malheureusement le sapin et où plus grand chose n’est rattrapable), certains pointent déjà le risque de “friche tertiaire”. Certains actifs pourraient en effet ne plus avoir de valeur vénale voire même, avoir une valeur négative du fait du cash à injecter pour les remettre sur le marché. Par exemple, pour une reconversion vers d'autres usages.
Et pourtant. Les opportunités existent forcément (sinon, les 20 000 participants en moyenne du SIMI seraient repartis avec du lexomil en goodies. En témoignent les excellentes conférences sur le sujet pendant le SIMI comme “Le directeur immobilier face aux crises” ou encore “Qui a le pouvoir dans la transformation immobilière ?” Les replays sont dispos à l’heure où j’écris ces lignes.
Ce qu’on en retient : La profession se cherche un peu en cette fin 2023. Le constat est là : chute brutale des transactions, des mises en chantier, des ventes. Et pourtant, avec un parc vieillissant, des besoins en logement toujours là, et des objectifs de décarbonation non atteints, il y a du pain sur la planche et on comprend qu’une partie de la profession (et maintenant du bâtiment) réclame l’aide du gouvernement.
2. Pour aller plus haaaaaaaaaaaaaauut 🎵
Depuis son incendie en 2019, le chantier de Notre-Dame de Paris a évidemment fait couler beaucoup d'encre. Nous avons été abreuvés puis avons échappé à certains projets tous plus farfelus les uns que les autres pour la reconstruction de la cathédrale, avec une cristallisation des fantasmes autour de la flèche, qui a été reconstruite finalement à l’identique.
Le 8 décembre nous étions à exactement un an de la réouverture de Notre-Dame de Paris, date à laquelle les catholiques fêteront l'Immaculée Conception (et où les lyonnais mettront, comme chaque année, des lumignons à leurs fenêtres comme nous !). Quelques jours avant donc, le 28 novembre, la flèche a été reposée sur son tabouret après des montages à blanc des différentes parties dans les usines des charpentiers sollicités. L'association “Restaurons Notre-Dame” en a fait un reportage photo qui permet de mieux apprécié les détails des éléments de la pose de la flèche. A noter que les techniques d'autrefois n'ont pas fait l'unanimité, notamment concernant l’emploi du plomb, laquelle est effectivement très documentée comme le soulignait le Général Jean-Louis Georgelin à l’époque.
Le petit plus : l’histoire de la reconstruction de la flèche par Viollet-le-Duc et … un lien vers les archives du Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle dans lequel il en fait une description à rendre amoureux tout dessinateur projeteur.
2 semaines plus tard, c’était au tour du coq, coiffant la flèche, de retrouver sa place. Et lui a eu le droit à un lifting 2023 par l’architecte en chef des monuments historiques Philippe Villeneuve. Evoquant les flammes de l’incendie mais aussi l’Esprit Saint montant au dessus de la cathédrale, le nouveau volatil pèse 25 kg et contient un double cylindre contenant les reliques de Saint Denys, de Sainte Geneviève et une épine de la couronne du Christ (dont l’histoire est incroyable) pour l’un et pour l’autre, 2000 noms d’ouvriers et compagnons ayant travaillé sur la restauration.
Ce qu’on en retient : Plus qu’un an avant la fin des travaux … avec, on l’espère, la flèche mise de nouveau à découvert pour les JO ! (on en retient aussi que je trouvais quand même le sujet super intéressant et que … on ne trouve pas grand chose facilement sur les plans du coq, sur des photos de prêt, etc. Si quelqu’un a ça … je suis preneur !)
crédit : Meta
3. Metacrash
Je repensais à un ancien article du premier Offmarket (février 2022) où je parlais du Metaverse. Et je me disais que même si j’avais mis toutes les réserves d’usage, on était quand même pas loin du gros “pschit” du début du 21e siècle avec ça. Or, Bearing Point, cabinet de conseil ayant depuis de nombreuses années une practice immobilière a publié en ce novembre 2023 un livre blanc visant à préfigurer les usages à l’horizon 2050.
Pendant “longtemps” cantonné aux geeks précurseurs ou “visionnaires”, le matériel nécessaire à la Réalité Virtuelle s’est largement démocratisé depuis, notamment avec l’Occulus de Meta (Facebook) vendu à 350€. 2020 a ainsi vu la montée en puissance des acteurs développant hardware, software et support pour solution logicielle en tout genre. Et en parallèle donc, est arrivé Méta avec les rêves les plus fous de Zuckerberg. Ambiance futuriste à gogo, investissement aussi à gogo. Et ensuite … ?
Ensuite on pourrait se dire légitimement que des applications de préfiguration d’espaces, de visualisation de quartiers, de projection interactive pour choisir des aménagements pourraient être sympas. Oui. Sauf que cela demande que la conception soit directement faite aux formats qui vont bien, avec ce qu’on pourrait schématiser comme du BIM amélioré. Et objectivement, en 2023, en dehors des effets de com’, il faut le concéder : nous ne sommes pas collectivement au point sur le BIM (hors cas spécifique notamment dans le domaine de la préfabrication où par définition la synthèse technique 3D est primordiale). Et côté “Métaverse” (un univers donc au milieu de ces jumeaux numériques) … je vous laisse trouver les vidéos des environnements créés … ça fait peur.
Pour le reste, sur l’immobilier du metaverse, spoiler : ça sent déjà le sapin. Là où des marques avaient acheté des espaces, où Snoop Dog avait sa propre maison, tout s’est écroulé. L’univers de Meta ? Un endroit vide voire glauque où vous entendez en boucle des gamins vous hurler aux oreilles. Et ce, en parallèle des NFT qui eux aussi ont pris un sacré plomb dans l’aile.
Ce qu’on en retient : pour le moment, le ou les “metaverse” sont loin d’avoir trouvé des cas d’usages probants. La publication de ce rapport me faisait espérer que de nouveaux acteurs allaient changer la donne. Mais hormis l’évocation de la blokchain pour des transactions facilitées sur des tokens immobilier (ce qui n’est pas pour moi du metaverse), il ne fait que renforcer mon avis initial.
crédit : Fondation Palladio
4. Les travaux de l’Institut Palladio
Quand je rédige cette newsletter, j’ai souvent du mal (et c’est le cas plus haut comme vous avez pu le voir) à documenter mes articles, à trouver des informations complémentaires, bref, à qualifier l’information. Plus on s’intéresse à un sujet et malheureusement, plus on peut être déçu des informations que l’on peut glaner, et c’est d’ailleurs l’une des raisons qui m’avaient poussé à faire cette newsletter : modestement donner envie à mes lecteurs de creuser certains sujets.
Ce mois-ci, l’exception qui confirme la règle est la parution du 12e numéro de la collection des Actes de l’Institut Palladio : «(Ré)concilier la ville avec la Nature». Chaque année, des auditeurs, professionnels pour la plupart de l’immobilier au sens large, participent à des colloques pour renouveler le regard et découvrir de nouvelles perspectives grâce à des séminaires à huis clos. Ils restituent ensuite le contenu de ces “auditions” dans ces rapports, largement documentés et détaillés.
Les auditeurs du cycle 2023 ont exploré cette problématique avec deux axes principaux : comment concilier la ville avec la nature, c’est-à-dire avec les limites planétaires, et comment faire la ville avec la nature, en s’inspirant du « cahier des charges du vivant
Il serait compliqué d’en faire un résumé tant les problématiques et surtout angles sont multiples, mais pêle mêle, y sont abordés :
Les notions d’agenda climatologique et la temporalité des enjeux de biodiversité, de nécessiter d’adaptation mais aussi de gestion de l’eau qui, au-delà d’être punitif, se doivent d’être hâtifs ;
les enjeux sociologiques et de compacité urbaine dans la création de la ville et son urbanisation ;
l’agriculture urbaine, qui au-delà de la tarte à la crème “pro-concours” qu’elle est trop souvent, doit pouvoir s’envisager à l’échelle péri-urbaine mais aussi comme un gain réel dans la poche des producteurs impliqués (200 m² de jardin potager = 1500€ de dépenses économisés) ;
la complexité et la densité des politiques publiques, leur hiérarchie et leurs conséquences concrètes sur la création de la ville.
Ce qu’on en retient : pour le coup, je le concède, cet article se veut juste une mise en lumière de ces travaux plutôt qu’une analyse ou un résumé. Mais pour avoir constaté le manque de communication autour de ce document (je ne crois pas que Business Immo ait fait un article dessus), je pense que ce n’est pas inutile et qu’il regorge de pas mal d’informations pour qui veut efficacement travailler à la conception de la fameuse “ville de demain”
crédit : Thierry David / Sud Ouest
5. Et si on souriait, quand même, à 2024 ?
Pour terminer l’année en beauté, je voulais une news quand même réjouissante. Quelque chose d’enthousiasmant, de positif, après une année 2023 marquée au fer rouge en termes de résultats et perspectives immobilières. J’aurais pu vous parler des chiffres encourageants des taux immobiliers qui semblent avoir atteint leur pic avec les corrections attendues des taux directeurs et les courtiers qui retrouvent des couleurs. Certains expliquant déjà que c’est le moment pour acheter … avant que les acquéreurs français reviennent sur le marché.
Mais c’est la première poutre de la tour Silva par Kaufman & Broad (oui, l’instant autopromo, on le voit rarement venir ici !) qui m’a donné l’idée de ce dernier post. Faisant partie des plus hautes tours en bois d’Europe (près de 60m de haut, 16 étages et conçue par l’agence Art Build), elle m’a donné l’idée de regarder ce qui se faisait ailleurs dans le monde en constructions bois.
ULI a justement publié les U10 : dix projets, tous achevés au cours des cinq dernières années, et employant massivement le bois. Parmi eux, entre autres, un centre communautaire de loisirs situé au sommet de trois tunnels ferroviaires en activité, un hôtel de dix étages construit au-dessus d'un immeuble de bureaux de six étages, et un quartier à usage mixte dans une ancienne gare de marchandises.
À découvrir donc, le 55 Southbank Boulevard par Bates Smart qui a réussi, en utilisant du bois pour la structure, à ajouter 13 000 m² sur 10 niveaux à un immeuble de bureau le portant à 27 000 m² pour en faire un hôtel.
crédit : Peter Clarke
Autre coup de cœur, le Kendeda Building for Innovative Sustainable Design par Miller Hull Partnership + Lord Aeck Sargent. Bâtiment de formation au sein de Georgia Tech, il a quand même tout pour lui. D’abord parce qu’il est aux USA et que là-bas, développement durable et construction, c’est quand même pas le grand amour. Ensuite, parce qu’il a été conçu justement comme outil pédagogique pour ses élèves qui apprennent l’innovation et le design durables. Puis parce qu’il nous fait découvrir la “Living Building Challenge (LBC) certification” (arrêtez de râler que c’est une énième certification ! Ambiance positive de Noël on a dit, et celle là semble très complète). Et enfin … parce que c’est quand même superbe en photo et que c’est justement ce que doit faire un bâtiment de formation : donner envie aux élèves d’y aller !
Ho, and besides, my english teacher will found a great video to watch together for a next lesson !
crédit : Jonathan Hillyer
Ce qu’on en retient : d’abord, que les bâtiments en bois, cela peut revêtir de nombreux visages (aka façades en clair) et donc effectivement, cela peut constituer un vrai vecteur de création de valeur. Ensuite, que d’idées simples (oui, le bois c’est léger, et il est parfois dommage de se voir obligé de massifier pour atteindre de drôles d’objectifs de masse et nom de volume de matériaux biosourcés au m²) peuvent donner de réels gains de surfaces et donc financiers. Dans une situation de crise, les plus malins sont toujours vainqueurs.
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